Je suis parti pour une formation, » explique Roger Selekpoh, assis dans sa petite épicerie à N’Zérékoré, loin des rues de Marrakech où il avait initialement atterri en 2015.

N’Zérékoré, Guinée – « Je suis parti pour une formation, » déclare Roger Selekpoh, assis dans sa petite épicerie à N’Zérékoré, loin des rues de Marrakech où il avait initialement atterri en 2015. Son parcours révèle les complications et les dangers auxquels de nombreux jeunes Africains sont confrontés dans leur quête d’une vie meilleure.

Roger, originaire de Guinée, n’avait jamais imaginé que son désir d’améliorer ses compétences en informatique le plongerait dans un cycle de migration irrégulière. Son aventure marocaine, qui a débuté en 2015 avec enthousiasme, s’est transformée en un périple épique pour atteindre l’Europe. L’attrait du continent européen et la perspective d’une vie meilleure l’ont poussé à dépenser 2 000 euros dans des tentatives infructueuses de traverser la Méditerranée.

Roger, absorbé dans ses pensées, dans le cadre familier de sa boutique à N’Zérékoré ©Lucas Chandellier – OIM Guinée, avril 2022.

La Libye, avec sa promesse d’une route maritime vers l’Europe, devient une étape incontournable. Cependant, ce pays, tourmenté par les conflits, offre un accueil brutal. « Ils m’ont arrêté et torturé », se souvient Roger, montrant ses dents cassées, les séquelles de mois de sévices. Les descriptions de sa détention sont glaçantes, dépeignant une réalité où l’humanité est souvent absente.

La déception se poursuit à son retour en Guinée. Plutôt que de retrouver l’accueil chaleureux d’un fils prodigue, il trouve la suspicion et le mépris. Dans une culture où le succès est souvent mesuré par la richesse matérielle, revenir les mains vides est synonyme d’échec. « Les gens vous regardent différemment », murmure-t-il, décrivant la honte étouffante. « Quand je suis revenu à N’Zérékoré, je n’osais pas revenir pendant la journée, pour que les gens ne me voient pas. Parce que je suis connu ici.

Roger et sa femme : un tandem fort face aux défis ©Lucas Chandellier – OIM Guinée, avril 2022.

Mais au milieu de ce tourbillon émotionnel, il y a une lueur d’espoir : l’accueil de sa femme. « J’ai appelé ma femme une fois arrivé à la gare routière. Quand je l’ai vue, c’était une immense joie, on ne peut pas tout expliquer, la joie m’a même submergé… » Roger la remercie pour son soutien et le rôle qu’elle a joué dans sa réintégration. « Elle m’a regardé au-delà de mes échecs », dit-il, les yeux brillants d’amour et de gratitude. Sa femme devient son pilier, le soutenant dans les moments les plus sombres et l’aidant à retrouver un sens à sa vie.

 Ils m’ont donné une chance de recommencer », dit Roger, en citant le soutien de l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) dans son processus de réintégration.

Roger aime souligner le soutien de l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM). « Ils m’ont donné une chance de recommencer », dit Roger. En plus du retour volontaire assisté en Guinée, l’OIM soutient Roger en finançant son projet de réintégration. Aujourd’hui, Roger gère une épicerie avec sa femme. Cette activité l’aide à renforcer son estime de soi et Roger retrouve confiance en l’avenir.

« Mon objectif est d’aller plus loin, de devenir un opérateur économique reconnu », dit-il avec une détermination farouche, montrant une résilience remarquable face aux épreuves qu’il a traversées.

L’ambition de Roger ne s’arrête pas là. « Mon objectif est d’aller plus loin, de devenir un opérateur économique reconnu », dit-il avec une détermination farouche. Malgré ses expériences traumatisantes, il voit encore un monde de possibilités devant lui.

Il y a une certaine ironie dans le parcours de Roger. « De 2013 à 2014, j’étais agent FMP pour l’OIM. J’ai été envoyé à la frontière de Thio-Lankou. » Roger jouait un rôle crucial pendant la crise Ebola. Sa mission en tant qu’agent de terrain était de surveiller les mouvements aux points d’entrée de la frontière, de détecter les cas de maladies lors des épidémies, d’informer les voyageurs sur les mesures de prévention et de collecter des données démographiques. Pourtant, quelques années plus tard, Roger se retrouve en tant que migrant irrégulier, recevant lui-même une assistance de l’OIM pour le rapatriement et la réintégration. De celui qui contrôlait à celui qui avait besoin d’assistance, le parcours de Roger souligne les tournants inattendus que la vie peut prendre.

Roger et sa femme devant leur boutique : une nouvelle page d’espoir ©Lucas Chandellier – OIM Guinée, avril 2022.

La saga de Roger est un témoignage poignant, reflétant les périls, les tentations et les défis auxquels de nombreux jeunes Africains sont confrontés dans leur quête d’une vie meilleure. Elle met également en lumière la résilience remarquable de l’âme humaine, capable de surmonter l’adversité. L’assistance extérieure, comme celle offerte par des initiatives spécifiques, a été essentielle pour la reconstruction de Roger.

Lancée en décembre 2016 avec un financement du Fonds Fiduciaire d’Urgence de l’UE pour l’Afrique, l’Initiative conjointe UE-OIM est un programme ambitieux pour protéger et réintégrer les migrants. L’initiative se concentre sur le renforcement de la protection des migrants et sur la fourniture d’une assistance directe. Elle soutient également le retour volontaire assisté des migrants en difficulté sur les routes migratoires et facilite leur réintégration grâce à une approche holistique. Enfin, l’un de ses principaux objectifs est d’informer les migrants actuels et potentiels, afin qu’ils puissent prendre des décisions éclairées sur leur parcours migratoire.